samedi 5 novembre 2011

Premier jour des marques de sang


(Couverture temporaire)


Au sortir de la sieste, j’ouvre grandes les fenêtres de ma chambre. L’air glacial du dehors s’y engouffre violemment. Je suis encore en chemise et frissonne. Un moment, l’idée du rhume de poitrine mortel en ces mois d’hiver me traverse l’esprit, mais je la repousse dans un coin de ma tête. Je suis jeune et ma santé est bonne. Rien à voir avec les corps décharnés qui peuplent les rues de la ville.

On est en début d’après-midi et pourtant on  peut déjà sentir les remugles de la nuit, ainsi que l’odeur d’humidité provenant de la rivière toute proche qui saisit à la gorge. Là-bas, on noie les corps des victimes du choléra ou de cette étrange maladie qui transforme les cadavres en étranges poupées rigides, se brisant au moindre choc.

J’ai demandé à Nanie, la fille de ma nourrice de déplacer ton lit de manière à ce que je puisse regarder le ciel avant de m’endormir. J’ai toujours aimé observer les étoiles et sentir le vent souffler sur mon visage alors que je suis blottie bien au chaud sous les couvertures.

J’ai 15 ans, presque 16 et je suis confinée dans ma maison, en cet hiver particulièrement rude de l’an 1125. La raison que mon père donne est celle de l’évidence: il ne fait pas bon sillonner les rues par les temps qui courent. La vraie raison, je ne la connais, elle est cachée sous les eaux troubles et boueuses, agitées quelques fois au passage d’un poisson aux nageoires impatientes. Cette eau, je la parfois vois reluire dans les vieux vert pâle de mon père juste avant qu’il se détourne de moi.
Soudain, un son de cloche retentit à l’intérieur de la maison et me tire de mes pensées. Je secoue mes tresses en claquant la langue et me murmure une petite incantation que ma Nanie m’a apprise afin d’éloigner les mauvaises énergies.

Si seule, toute seule tu es,
Petite fille aimée de maître Arghas
Prends garde à toi,
Et la créature d’ombre ne t’avisera pas.

Je me suis toujours demandée la signification exacte de ce texte, qui laisse sur mes lèvres un goût de sombre avertissement plutôt que de joyeuse comptine enfantine. Mais il m’apaise malgré tout dans ces moments où le monde semble sur le point de s’effondrer.

Elle plane dans l’air cette odeur violente de révolution, de conflit grossissant entre paysans libres et bourgeois et paysans pauvres. Elle gronde comme une bête féroce. La famine et la maladie qui ravagent ma bonne ville de Liège en font trembler les pavés. Même les chevaux d’habitude si placides décochent de furieuses ruades, fracassant un crâne de temps à autre.

Le son de cloche retentit à nouveau, plus impétueux, me faisant sursauter et me précipitant hors de mon lit. Le bruit de ma presque chute réveille en sursaut Nanie, qui somnolait à côté de moi en serrant sa broderie.

vendredi 21 octobre 2011

Bout d'histoire perdue


Des livres, elle en avait lu toute sa vie. Ils reposaient, plus ou moins rangés sur une grande étagère dans la pièce principale de la maison, vestiges de leur gloire passée.
Des petits, des grands, des à la couverture déchirée par des mains enfantines, des en anglais, des usés avant l’âge.

Toutes leurs histoires, pour beaucoup hors du morne monde actuel avaient constitué pendant longtemps l’unique univers de la jeune femme. Elle les transportait de pièce en pièce, de ville en ville, en oubliant un çà et là, en digne semeuse de rêves. Elle vivait en sautant d’un monde à l’autre, méprisant la vie du dehors de sa chambre, dédaignant les rapports humains, si égoïstes et décevants.

Quand il avait fallu acheter une bibliothèque pour tous les ranger, l’angoisse s’était emparée d’elle. Une angoisse inexplicable, tenace qui lui serrait la gorge comme un étau. Dans quel ordre? Et qu’adviendrait-il de ceux qui étaient derrière, seraient-ils oubliés? L’idée de ces livres coincés dans l’ombre et la poussière lui était intolérable.

Alors, elle les avait laissé s’entasser çà et là. Un petit tas dans la salle à manger, un autre dans la cuisine. Jusqu’à ce qu’il devienne impossible de se frayer un passage d’une pièce à l’autre.
Désespérée, elle s’était résolue à les empiler en grand désordre sur le meuble qu’elle avait assemblé tant bien que mal, en jurant ponctuellement parce que le marteau lui écrasait un doigt.

Rising


The skies they see me rise,
Out of the echo of emptiness.
Something that shouldn’t be there woke me up.
Something dark and muddy,
Exhaling an ancient moldy smell.


And I heard the call as well. Its vibes crept into my limbs,
To my brain and my bones,
Making me feel alive,
Bringing me from the World of the Gods.









Le ciel me voit m’élever,

Sortir des échos du vide.

Quelque chose qui ne devrait pas être m’a réveillé.

Quelque chose de sombre et de boueux,

Aux relents de vieille terre.



J’ai aussi entendu l’appel.

Ses vibrations agitent mes membres,

Atteignent mon cerveau et mes os.

Je me sens revivre,

Arraché au Monde des Dieux.